Le droit à une éthique naturelle
Dans sa réplique du 7 mars dans le Devoir, monsieur Frédéric Tremblay qualifie, entre autres, de « monstruosité » ma position sur la nécessité de séparer l’éthique de la culture religieuse dans le programme ECR que j’ai fait parvenir aux médias. Sa critique qui ne mérite pas d’être commentée, me donne cependant l’occasion d’expliciter ma position d’éducateur sur ce programme controversé.
La finalité du Mouvement Humanisation dont je suis le président-fondateur, est de faire respecter le droit naturel, donc inaliénable, des membres de chaque nouvelle génération à une éducation et à une éthique humanisantes. Naturel, puisque l’enfant naît inachevé. Il hérite cependant dans son code génétique et son patrimoine culturel un potentiel d’humanité et une capacité extraordinaire d’apprentissage pour l’actualiser.
Or, il n’existe pas présentement de programme d’éthique fondée sur une conception naturelle, rationnelle et scientifique, donc universelle, de la commune nature des êtres humains. Cela s’explique par le fait que les êtres humains n’ont pas encore élaboré une science et un art transdisciplinaires du développement humain. Cette lacune dans notre savoir pourrait être comblée si les facultés d’éducation acceptaient de compléter leur approche disciplinaire par une approche transdisciplinaire indispensable à la compréhension de l’hyper-complexité humaine.
Les sciences ont démontré que toute vie est, de nature, sa propre fin. Seuls les humains, grâce à leur conscience réflexive et créatrice, peuvent attribuer à leur être une valeur intrinsèque absolue, digne d’un respect inconditionnel. Or, la fonction d’une éthique naturelle est d’enseigner aux enfants et aux adolescents pourquoi et comment respecter leur dignité et celle d’autrui.
Dans une société qui se veut démocratique, donc laïque, il est impératif de séparer l’enseignement de l’éthique de l’histoire des religions. Pour un être grégaire naturellement égoïste, la raison d’être d’un programme d’éthique est de remplacer les morales religieuses qui ont trop souvent culpabilisé et divisé les humains. Une éthique fondée sur la dignité humaine vise à unir les humains autour de leur commune nature afin de favoriser un vivre ensemble, dans la paix, la sécurité, la justice et le bien-être.
La séparation d’un programme d’éthique et d’un cours d’histoire sur les religions évitera l’association entre les valeurs morales et les religions dans la tête des jeunes. Il est crucial que les enfants et les adolescents comprennent que les valeurs et les vertus découlent de la nature humaine et non pas des récits mythico-religieux que les humains ont imaginés de toutes pièces.
Un véritable programme d’éthique enseignerait avant tout le respect de la dignité inhérente à tout être humain au-delà de leurs différences sexuelles, ethniques, religieuses, économiques, culturelles, etc. Il enseignerait également l’esprit critique et favoriserait l’actualisation de leurs dimensions (physique, affective, sociale, mentale, etc.), indispensable à leur épanouissement.
Je suis convaincu que le Québec peut devenir la première société à respecter le droit fondamental des enfants et des adolescents à une éducation et une éthique humanisantes qui n’existent pas présentement. Il s’attaquerait ainsi à la source principale de la misère et la souffrance évitables des humains.
Gaston Marcotte
Professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval Président-fondateur du Mouvement Humanisation